Pour l’investisseur actif, l’équation du mois de décembre est complexe : l’arrivée de SGTM doit-elle se financer par la vente des positions TGCC ? Si la tentation de l’arbitrage mathématique est forte, une lecture approfondie des fondamentaux révèle deux « equity stories » bien distinctes, potentiellement plus complémentaires que rivales.
Deux philosophies industrielles : La forteresse et l’agile
Comparer SGTM et TGCC revient à comparer le temps long des infrastructures et le cycle court du bâtiment.
D’un côté, SGTM s’introduit avec le statut de « proxy » souverain. L’entreprise tire sa force de barrières à l’entrée technologiques élevées : la construction de barrages, de ports ou d’ouvrages maritimes complexes ne s’improvise pas. Cette expertise lui confère une visibilité contractuelle rare. Avec un carnet de commandes atteignant 37 milliards de dirhams à fin mai 2025, SGTM sécurise son activité bien au-delà de l’horizon 2027. Pour l’investisseur, c’est une valeur de « fond de portefeuille », offrant une exposition directe aux stratégies d’État (stress hydrique, infrastructures portuaires) avec une volatilité opérationnelle théoriquement plus faible.
De l’autre, TGCC incarne l’agilité et la verticalité. Historiquement focalisé sur le bâtiment (tours, hôtellerie, résidentiel), le groupe a su construire une machine à marges grâce à l’intégration de ses filiales de second œuvre. Mais TGCC a changé de dimension en 2025. L’acquisition structurante de STAM/VIAS lui a permis de forcer les portes des Travaux Publics, venant chasser directement sur les terres de SGTM. Les chiffres du troisième trimestre 2025 en témoignent : une croissance de 58,9% du produit d’exploitation, portée par ce changement de périmètre. TGCC reste donc la valeur de croissance (« Growth ») par excellence, plus exposée aux cycles de l’immobilier privé mais capable d’accélérations brutales.
Rentabilité et Structure financière
Sur le plan purement financier, la comparaison tourne à l’avantage de l’entrant sur la rentabilité, mais confirme la solidité du tenant du titre.
SGTM affiche une marge d’EBITDA normative autour de 16,9%. Ce niveau, supérieur aux standards du bâtiment, s’explique par la nature des travaux réalisés : l’ingénierie complexe et maritime se facture plus cher que le mètre carré résidentiel. TGCC, de son côté, affiche des marges d’EBITDA estimées entre 13% et 15% post-intégration de STAM, un niveau remarquable pour un généraliste, fruit d’une gestion rigoureuse des chantiers et de la rotation rapide des capitaux.
Côté bilan, les deux groupes présentent des structures saines malgré l’intensité capitalistique de leurs métiers. SGTM prévoit un gearing (dette nette sur fonds propres) autour de 45% en 2025, un niveau maîtrisé qui lui permet de financer son besoin en fonds de roulement sans appel au marché.
Tableau Comparatif Synthétique (Estimations 2025)
| Indicateur Financier | SGTM 2025e | TGCC 2025e | L’Écart |
| Chiffre d’Affaires | 14 297 MDH | ~13 241 MDH | +8% pour SGTM |
| EBITDA | 2 419 MDH | ~2 066 MDH | +17% pour SGTM |
| Marge EBITDA | 16,9% | ~15,6% | +1.3 pts pour SGTM |
| Résultat Net Part du Groupe | 1 096 MDH | ~829 MDH | +32% pour SGTM |
| Carnet de Commandes | 37 049 MDH | 20 200 MDH | +83% pour SGTM |
| Valorisation (VE/EBITDA) | 11,0x (Prix IPO) | ~17,3x (Prix Marché) | SGTM moins chère |
L’arbitrage de valorisation : Un « Discount » nécessaire
C’est sur la valorisation que le marché va devoir trancher. L’IPO de SGTM est proposée à un prix de 420 DH (380 pour les PP), faisant ressortir un multiple de valorisation (VE/EBITDA 2025) d’environ 11,0x. En face, TGCC se traite historiquement avec une prime de qualité, sur des multiples de marché actuels oscillant souvent au-dessus de 17x.
Il existe donc, mathématiquement, une décote d’introduction significative pour SGTM (environ 36% par rapport aux multiples boursiers actuels de son pair). Cependant, il ne faut pas s’y tromper : cette décote est une nécessité technique. L’opération est une cession d’actions (Cash-out) de plus de 5 milliards de dirhams. L’argent levé ira aux actionnaires historiques et non dans les caisses de l’entreprise, contrairement à l’augmentation de capital (Cash-in) réalisée par TGCC en juillet dernier pour financer sa croissance externe. Pour absorber un tel volume de papier sans assécher la liquidité de la place, le prix devait être attractif.
Le signal du 12 novembre : Ce que les flux nous disent
Une analyse des flux récents permet de comprendre comment les institutionnels préparent cette arrivée. Le mercredi 12 novembre 2025, la veille du Conseil d’Administration actant l’IPO de SGTM, le titre TGCC a enregistré un volume transactionnel exceptionnel de près de 400 MDH en une seule séance.
Loin d’être un mouvement de panique, ces transactions ont été identifiées par les observateurs comme des opérations d’« aller-retour » (ventes et rachats simultanés).
L’interprétation est claire : les grands gérants de la place ont matérialisé leurs plus-values latentes sur TGCC pour « nettoyer » leurs bilans avant la fin d’année, tout en conservant leur exposition au titre. C’est un signal fort : le marché ne cherche pas à remplacer TGCC par SGTM. Il cherche à faire de la place pour posséder les deux. Les portefeuilles institutionnels s’apprêtent à passer d’une logique de « monopole sectoriel » à une logique de « duopole », où chaque valeur jouera un rôle précis.
Allocation : La prime à la conviction
Enfin, pour les investisseurs particuliers souhaitant participer à l’IPO (Type d’ordre II), une subtilité technique du prospectus mérite attention. L’allocation se fera par itération (distribution titre par titre), mais avec une règle de départage spécifique : la « priorité aux plus fortes demandes » pour les derniers titres restants.
Contrairement aux idées reçues, gonfler artificiellement un ordre ne garantit pas un meilleur taux de service dans un système par itération. Cette clause ne jouera que sur les « rompus » marginaux. La stratégie optimale reste donc de calibrer sa demande sur sa capacité réelle d’investissement, sans spéculer sur un taux de prorata.
LA Question : Faut-il arbitrer ?
À court terme, un effet de vases communicants est inévitable : la liquidité n’est pas infinie et certains arbitrages tactiques pèseront sur TGCC. Mais fondamentalement, l’arrivée de SGTM est une excellente nouvelle pour la profondeur du marché. Elle valide les niveaux de valorisation du secteur et offre une alternative « Infrastructures » pure. La stratégie la plus rationnelle semble être la construction d’une position barbell: SGTM pour la résilience et la visibilité du carnet de commandes étatique, et TGCC pour capturer la dynamique plus cyclique mais plus explosive de la relance immobilière et des synergies avec STAM.