1) Ce que montrent les chiffres officiels (IPAI – Bank Al-Maghrib)
Au T1 2025, l’indice des prix des actifs immobiliers recule de –1,8 % sur un trimestre (résidentiel –2,1 %, terrains –2,5 %, professionnel –0,7 %). Surtout, le nombre d’actes signés chute de –30,3 % par rapport au trimestre précédent (résidentiel –29,3 %, terrains –33,1 %, professionnel –31,4 %) et de –15,2 % sur un an. Bref, on a beaucoup moins vendu, sans krach généralisé des prix. Ces données couvrent les actes notariés au Maroc et s’appuient, depuis 2025, sur une couverture élargie.


2) Ce que disent les pros : coûts, délais, « social »
La baisse touche toutes les catégories, avec un foncier particulièrement heurté. Les professionnels pointent un coût total d’acquisition devenu dissuasif (taxes, conservation foncière, honoraires), des délais qui s’allongent et un logement social grippé, malgré l’aide directe. Cette lecture colle à l’IPAI : volumes en berne, prix globalement stables.
Nuances utiles.
• L’aide directe n’est pas “timide” : elle monte en régime, mais l’écart de timing entre éligibilité et passage chez le notaire retarde l’effet visible dans les actes.
• La pénurie de main-d’œuvre et la hausse des salaires renchérissent les chantiers (canal offre) ; ça n’explique pas à elle seule le trou d’air des actes du T1 (canal demande).
3) Ce que publient les cotées (T1 2025) : « préventes » ≠ « actes »
Addoha : 2 908 préventes (+13 %), CA 722 MMAD (+5 %). Avec la passerelle « base 2024 » (effet du nouveau plan comptable), le CA ressort à 851 MMAD (+24 %). Dette nette : 3,9 Mds MAD (4,1 Mds fin 2024). Production : 19 240 unités, dont 26 % en Afrique de l’Ouest.
Alliances : 1 782 préventes (+40 %), CA 715 MMAD (+10 %) et CA “base 2024” 854 MMAD (+31 %). Dette nette : 1 060 MMAD (–36 %). Carnet : 7 312 unités pour une VIT > 4 Mds MAD ; 6 192 unités en production.
Résidences Dar Saada : 465 préventes au T1 ; CA 64 MDH (+19 %). CA sécurisé ≈ 3,7 Mds DH et ≈ 11 800 unités lancées.
Pourquoi l’écart avec l’IPAI ?
L’IPAI mesure des actes signés (photo nationale du trimestre). Les émetteurs publient surtout des préventes(réservations), des livraisons et un CA reconnu selon les nouvelles règles 2025… d’où les passerelles « base 2024 » sur les communiqués. Un décalage temporel entre réservations et actes est donc normal, surtout si les délais s’allongent.
3 bis) L’international, vrai amortisseur du cycle domestique
Addoha affiche un CA sécurisé > 9,6 Mds MAD, dont 3,5 Mds en Afrique de l’Ouest (36 % du total), et 26 % des unités en production dans la zone. Autrement dit : même si les actes ralentissent au Maroc, le pipe international continue d’alimenter le CA sécurisé et la production.
Alliances a lui aussi des jalons hors Maroc (Tour de l’Entente, Abidjan, livr. prévue T4 2025…) et explore Ghana/Sénégal. Cet étagement des livraisons décorrèle partiellement la conjoncture marocaine, avec un profil de risques spécifique (permis, délais, change, logistique, fiscalité locale).
Conséquence. L’IPAI ne voit que le Maroc. Des groupes multi-géographies peuvent donc afficher des KPI T1 solides (préventes, CA sécurisé, livraisons planifiées) malgré un trimestre domestique faible en actes.
4) Sur les « 4 facteurs » souvent avancés
- Nouveau plan comptable (2025) : il recalibre la reconnaissance du CA/stock chez les promoteurs, il n’affecte pas le comptage des actes de l’IPAI.
- Frais/fiscalité (cadre en vigueur au T1, hors “nouveau quitus”) : les droits/frais pèsent structurellement sur le coût total, ce qui retarde des décisions et peut contribuer au recul des actes observé au T1. (Le quitus opérationnel mi juin impactera plutôt T2/T3.)
- Main-d’œuvre & coûts BTP : tension et inflation de chantier (canal offre), pas l’unique moteur du –30 % des actes.
- Aide directe : réelle, mais à inertie ; ses effets mettent du temps à apparaître dans les actes.
5) Ce qui comptera vraiment en T2/T3
Moins d’annonces, plus de signatures : Le nerf de la guerre c’est la conversion des préventes en actes (taux et délais).
Le cash, pas que le CA : Suivre encaissements, BFR, trésorerie d’exploitation, dette nette.
Livrer ici et ailleurs : Mix (social/moyen/haut), prix nets à la livraison, et timing international (Addoha/ADI) pour lisser le cycle.
En résumé
Macro : T1 2025 mauvais en actes (–30,3 %), prix globalement inchangés.
Micro : Addoha et Alliances tiennent leurs KPI (préventes en hausse, CA résilient sous nouvelle norme, désendettement), l’Afrique de l’Ouest sert d’amortisseur, RDS progresse via le déstockage.
Il y a un détail qui n’est pas mentionné dans l’article mais qui est facile de vérifier : les statistiques de BAM concernent les biens vendus au moins 2 fois… donc l’ancien uniquement !
Ce décalage est dû à 2 facteurs clairs :
1/ la nouvelle loie qui demande un quitus fiscal avant la vente définitive ;
2/ les problèmes de piratage informatique qui ont bloqué le système pendant quelques semaines…
Bonjour Ssi Youssef,
Merci pour votre contribution, deux clarifications factuelles :
1) Au niveau des indices IPAI, 2 séries différentes :
– L’indice de prix est bien calculé par méthode des ventes répétées comme vous avez dit (on ne retient que les biens revendus au moins deux fois car c’est utile pour mesurer les prix à qualité constante)
– Mais, le “nombre de transactions” publié dans les notes IPAI est une statistique d’activité issue des inscriptions ANCFCC par catégories (résidentiel, terrains, pro)… du coup elle ne se limite pas qu’aux biens revendus mais elle comptabilise les actes signés (premières ventes comprises)… La chute évoquée au T1 2025 concerne cette série “volumes”, pas la technique de calcul des prix
2) Le “quitus” et l’épisode cyber n’expliquent pas le T1 puisque la nouvelle procédure de quitus fiscal a été mise en œuvre en juillet 2025; c’est postérieur au T1 (janv–mars) et la cyberattaque visant Tawtik aussi date du 2 juin 2025; Là encore c’est T2, pas T1